
Il existe, dans certains cercles alchimiques, une substance dont l'existence intrigue au moins autant que la mythique pierre philosophale, une essence qui défie les lois de la physique et de la réalité tangible. Communément appelée poussière, elle n'a cependant rien à voir avec celle que l’on retrouve sur les étagères ou sous les meubles de nos humbles foyers, s’agglomérant sous forme de moutons. Non, la poussière dont il est ici question n’a vraisemblablement ni texture ni forme stable. Elle semble échapper aux perceptions classiques et se manifeste plutôt comme un voile ténu, invisible à l'œil la plupart du temps. Sa présence est subtile, insaisissable, et c’est dans l’observation de certaines constellations que ses mystères prennent véritablement sens.
C'est ainsi qu'après des semaines d’étude assidue d’un ancien traité relatant l’essence de cette substance énigmatique, je décidai de me lancer dans une expérimentation plus concrète. Le document, quoique parfois un peu évasif, mentionnait des observations célestes effectuées au-delà des terres connues, dans le Grand Nord, où la poussière se révélait d'une manière singulière. J'avais, comme il se doit, à ma disposition de nombreuses cartes stellaires, et je décidai de les confronter à la réalité du ciel nocturne afin de mener ma propre étude sur ce phénomène.
Bien que j’aie naturellement tendance, pour ce type d’expédition, à avoir recours aux étonnantes clefs que Delkinn la Calligraphe m’avait offertes, mon instinct me dictait cette fois de voyager de manière plus conventionnelle. Je sais maintenant, avec le recul, que je redoutais que la poussière ne vienne en perturber le fonctionnement et ne m’occasionne quelques mésaventures indésirables. Aussi, j’entrepris un long périple par des moyens plus traditionnels. Je ne vous ferai pas l’affront de narrer ici ce voyage, qui ne présenta aucun intérêt particulier, n’étant qu’une succession de chevauchées, trajets en calèche et autres périodes de navigation ou de marche forcée, ne me laissant guère le loisir d’observer le paysage, hormis en de rares occasions. Ce n’est qu’une fois arrivé à destination que celui-ci se dévoila pleinement et que je pus enfin en profiter.
La nuit était déjà bien avancée, et l’air, vif et mordant, m’arracha un frisson lorsque, descendant du navire qui venait d’accoster, je posai pied sur le sol gelé. La neige, épaisse et compacte, recouvrait l’étendue d’un manteau silencieux. Rien ne semblait troubler cette immensité immaculée, hormis le souffle du vent qui sculptait des vagues glacées à la surface de la poudreuse. Je fus accueilli sur place par un individu jovial, chaudement emmitouflé, que j’avais contacté avant mon départ et avec lequel j’avais entretenu correspondance. Il avait eu pour mission de me dénicher une bicoque idéalement située pour observer les étoiles, où je pourrais m’installer, même de manière spartiate. Il me remit les indications nécessaires, me tendit une lanterne et me laissa, après un bref échange, prendre la route à travers la nuit obscure. Le ciel était dégagé, tant et si bien qu’il me fut déjà possible d’admirer les innombrables astres que je pourrais examiner plus en détail par la suite. Parmi eux, la lune en quartier diffusait une lumière faible quoiqu'insuffisante pour éclairer mon chemin. Mes pas s’enfonçant dans la neige crissante, je dus m’aider de la torche que je portais à bout de bras, tandis que chaque respiration semblait trancher l’atmosphère dense autour de moi, tant l’air était pur.
Après un certain temps à progresser ainsi, transi de froid, j’aperçus enfin les contours de la bâtisse se profilant au loin. Silhouette solitaire face à l’immensité glacée, elle paraissait austère. Lorsque je fus rendu sur son seuil, j'en poussai la porte qui céda sous ma main après un grincement sinistre. L’intérieur contrastait fortement avec l’apparence extérieure de la cabane : bien agencée et chaleureuse, elle offrait tout le confort nécessaire à la poursuite de mes recherches. Je m’installai rapidement, déposant mon paquetage et en extirpant cartes, ouvrages divers et fioles précieuses. J’avais emporté, pour l’occasion, des instruments d’optique afin d'étudier les cieux sous un angle plus précis. Il ne me fallut qu’un instant pour allumer un feu dans l’âtre et chasser le froid, savourant alors l’étrangeté de ce lieu, perdu au cœur du Grand Nord, hors du temps.
Ces premières nuits furent empreintes d'une sérénité troublante. L'atmosphère glaçante ne laissait place qu’au bruit de mes pas ou au crépitement du bois dans l’âtre, ponctué par les légères oscillations de la lumière de ma lanterne. Chaque soir, armé de mes instruments, je scrutais la voûte céleste avec une patience nouvelle, presque méditative, m’émerveillant de détails qui m’avaient jusque-là échappé : l’éclat bleuté d’une étoile méconnue, les infimes variations dans la texture de l’obscurité entre deux constellations. Cette attente, loin d’être vaine, affûtait mon regard et m'ancrait davantage dans ce moment suspendu. Les jours s’écoulèrent, rythmés par l’examen minutieux des cartes et l’observation prolongée des configurations astrales, jusqu’à ce qu’enfin, je vis apparaître l’un des phénomènes décrits dans le traité d’alchimie qui m’avait conduit en ces lieux. Des lueurs dansantes embrasèrent le ciel : des aurores boréales s’étaient invitées, parant la voûte d’ondulations colorées. Parfois d'un vert pâle, presque phosphorescent, elles semblaient serpenter entre les étoiles. D’autres fois, d’un violet profond, presque irréel, elles se déployaient en arabesques mouvantes. Par endroits, des éclats de rouge et d’azur s’entrelacaient, dessinant un tableau en perpétuelle métamorphose, comme si le firmament tout entier devenait une fresque aux teintes indescriptibles.
C'est au cours de ces observations que j’eus l’intuition que la poussière dépassait la simple matière. Contrairement aux étoiles, elle ne se révélait pas spontanément. Parfois, dans l’immensité céleste, je croyais apercevoir de minuscules éclats scintiller, particules d’une finesse extrême qui apparaissaient pour s’évanouir aussitôt, insaisissables. Chaque vision fugace semblait pourtant chargée d’une puissance insoupçonnée, et cette danse éphémère devenait un langage à décrypter. C’est ce qui me poussa à persévérer dans mes recherches.
Une nuit, alors que j’observais le ciel à travers une lentille, une vision singulière s’imposa à moi. Une forteresse immense et éthérée se dessina dans le firmament, sa silhouette aux contours presque translucides flottant au milieu d’une myriade de particules. Elle ne demeura visible qu’un court instant avant de se dissiper. Cette brève apparition m’apporta néanmoins une révélation : la poussière était constituée de fragments d’autres réalités. Elle était liée à une magie particulière, comparable à celle qui imprégnait les clefs que Delkinn m’avait offertes.
Comprenant enfin la nature de ce matériau insaisissable, je pouvais désormais tenter d’en prélever quelques fragments, bien que leur instabilité m’obligeât à demeurer sur place, loin de mon atelier habituel. Je consignai immédiatement mes découvertes et réfléchis à la manière d’exploiter cette essence fugace. Inspiré par les visions de la forteresse céleste et des aurores chatoyantes, je décidai de façonner de nouveaux œufs de dragon, dont les gardiens auraient pour mission de veiller sur les passages invisibles entre les mondes, préservant ainsi l’équilibre fragile de ces réalités entremêlées. Ainsi, ces gardiens ne porteraient pas seulement en eux le souvenir des lieux où ils furent créés, mais ils seraient, je l’espérais, l’assurance qu’un ordre subsisterait au cœur de ce chaos infini.
Cette collection est composée de 4 œufs de taille moyenne et d'un œuf plus imposant.
La mise à jour de la boutique aura lieu le 12 février à 20h30.
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