
Depuis mon départ de l’auberge où nos chemins s’étaient croisés pour la première fois, nous avions parcouru bien des lieues de concert, avançant toujours plus loin entre étendues désertiques et villages animés où la présence d’un sorceleur, d’une magicienne et d’un alchimiste avait du mal à passer inaperçue. Les recherches que nous avions entreprises pour retrouver leur fille, nous avaient naturellement conduits sur de nombreuses pistes, certaines prometteuses, d'autres bien plus périlleuses et trompeuses, jusqu’au jour où il parut évident qu’il nous fallait prendre des routes différentes pour mieux progresser. Assis autour du feu ce soir-là, nous avions établi notre plan d’action avec la rigueur propre aux longues traques. Chaque option avait été évaluée avec soin, chaque danger étudié, et nous avions finalement arrêté notre choix sur celles qui nous semblaient les plus susceptibles de nous rapprocher de notre but.
Le lendemain matin, la séparation se fit sans grande effusion – il ne pouvait en être autrement avec des compagnons si attachés à leurs indépendances respectives – mais nos dernières paroles, bien que graves, étaient restées empreintes d’une certaine forme de fraternité. Le vent portait encore les échos de notre dernière conversation lorsque je quittai le campement, triturant machinalement le cristal que nous avait fourni la magicienne. Il s’agissait là d’un artefact de communication à même de nous aider à nous tenir informés de nos avancées personnelles.
Mon choix s’était porté sur Brokilone, un lieu où peu d’hommes osaient s’aventurer et d’où encore moins revenaient, c’est sans doute ce qui expliquait d’ailleurs son surnom de forêt de la mort. A en croire certaines rumeurs, la demoiselle que nous recherchions avait été aperçue à ses abords, bien que personne ne fut capable de nous indiquer quand précisément. C’est justement ce qui nous avait amenés à nous séparer puisque d’autres rumeurs semblaient indiquer qu’elle avait été aperçue bien plus au nord.

L’entrée de la forêt ne se distinguait pas tant par un changement abrupt du paysage que par la sensation de franchir un seuil invisible en passant ses premiers arbres. C’est du moins ce qui me marqua le plus. Je progressai avec précaution, ramassant ma cape pour qu’elle ne s’accroche pas aux ronces que l’on pouvait trouver par endroit, conscient que le moindre de mes pas était d’ores et déjà surveillé. Cet endroit me rappelait décidément une autre escapade forestière, mais la vigilance presque palpable qui m’entourait ne semblait pas émaner des colosses de bois eux-mêmes. Il faut dire que ce domaine était celui des dryades. Je ne fus donc guère surpris lorsqu’une flèche vint se ficher dans le sol, à quelques pas de moi, c’était inévitable. Elle fut suivie d’une voix autoritaire aux accents chantants tandis que des figures sveltes émergèrent des frondaisons, leurs visages marqués de peintures rituelles et leurs arcs bandés vers moi.
Levant les mains en signe de paix et les saluant précipitamment dans leur langue, je me tins immobile, le temps qu’elles se portent à ma rencontre pour me questionner. Loin d’être cruelles, les habitantes de Brokilone étaient néanmoins promptes à prendre la vie de quiconque avait l’audace de pénétrer leur domaine. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’avais utilisé leur dialecte, pour solliciter une audience auprès de leur souveraine et faire amende honorable. Elles abaissèrent alors leurs armes, quoique circonspectes, et me menèrent plus avant au sein de leur terres, sous bonne garde. A mesure que nous avançions, les troncs noueux se faisaient plus hauts, entrelacés comme les fils d’une même tapisserie vivante.
Lorsqu’enfin nous atteignîmes leur sanctuaire, je fus frappé par l’harmonie qui y régnait. Les arbres millénaires s’élevaient en dômes naturels, leurs branches s’entremêlant pour former une voûte végétale filtrant la lumière du soleil en un doux halo doré. L’air était saturé de senteurs boisées, apaisantes et envoûtantes. De grandes plateformes de bois, soutenues par les arbres eux-mêmes, servaient de lieux de repos et de rassemblement. Cependant le cœur de leur royaume ne se distinguait pas par des constructions massives, mais par la symbiose parfaite entre les archères sylvestres et leur environnement. Elles évoluaient avec une aisance instinctive, leurs mouvements aussi fluides que le vent dans les frondaisons. Dans ce monde préservé, tout semblait respirer d’un même souffle.
C’est là que je fus introduit à leur reine. Elle m'observa en silence, me jaugeant tandis que je lui expliquais en détail les raisons de ma présence. Mes compagnons m’avaient avertis, les habitantes du bois connaissaient leur fille et la portaient en haute estime. Aussi, consentirent-elles à me renseigner. A leur connaissance, personne ne s’était introduit dans la forêt, mais rien ne permettait toutefois d’affirmer de manière catégorique que la fille du sorceleur n’était pas effectivement passée par là. Aussi, décidèrent-elles de mener l’enquête. Réparties en plusieurs formations, les dryades sondèrent leur fief avec une patience infinie, scrutant les moindres signes d’un passage étranger et interrogeant arbres et créatures selon leurs rites mystérieux. Plus les jours passaient, plus je me familiarisai aux us et coutumes de mes hôtes, découvrant le lien indéfectible qui les unissait à cette terre ancienne et développant une certaine complicité avec celles qui composaient la troupe que j’accompagnais désormais quotidiennement. En chemin, elles me parlaient en détail de leur forêt, chaque mot, étant emprunt de leur amour de toutes les choses qui poussent.

Peu à peu, nous obtinrent nos premiers résultats. Des indices subtils semblaient en effet suggérer que la présence de la fille du sorceleur avait été perçue, par endroits, à l’est. Cependant, selon toute vraisemblance, elle n’avait pas pénétré la forêt, poursuivant sa route vers le nord. La piste de Brokilone semblait donc s’arrêter là. Néanmoins, je pris la précaution d’attendre que nos informations soient un peu plus sûres avant d’informer les parents de l’apprentie chasseuse de monstres en utilisant l’artefact confié par sa magicienne de mère. J’appris alors que le sorceleur était, de son côté, sur une piste prometteuse. Il s’approchait d’une petite ville où plusieurs témoins faisaient état du passage d’une personne correspondant au signalement de sa fille. Il fut donc convenu que je prolonge mon séjour sur place pour le cas où des renforts seraient nécessaires dans la poursuite de cette nouvelle piste. Le village en question n’était, il faut bien le dire, guère très éloigné de ma localisation du moment, une affaire de quelques journées de voyage tout au plus.
Les jours suivants dissipèrent l'incertitude : la piste se précisait, et la traque du Loup Blanc semblait toucher au but. Il n’y avait plus qu’à le laisser poursuivre sa route. Pour ma part, l’heure était venue de prendre congé et de retourner chez moi pour vaquer à mes occupations et mes travaux. En guise d’adieu, les dryades qui m’avaient offert l’hospitalité me confièrent un présent exceptionnel : quelques feuilles issues de leur domaine, fragments de vie renfermant un peu de l’essence même de Brokilone.
Je quittai les lieux empli d’un profond respect pour ces gardiennes farouches tandis que, derrière moi, la forêt refermait son étreinte sur ses secrets. Dans ma besace, les feuilles, soigneusement mises à l'abri, continuaient d'irradier de cette énergie si particulière. J’avais l’intime conviction qu’elles n’avaient pas encore révélé tout leur potentiel, et j’avais hâte de les intégrer à mes créations pour en préserver la magie et donner vie, ensuite, à de nouveaux dragons, futurs protecteurs des royaumes sylvestres.
Cette collection est composée de 4 œufs de taille moyenne et d'un œuf plus imposant, tous ornés de feuilles sculptées à la main.
La mise à jour de la boutique aura lieu le 12 mars à 20h30.
Certains personnages et lieux (Geralt de Riv et Brokilone) sont la propriété exclusive d'Andrzej Sapkowski. Ils sont présentés ici uniquement à des fins de divertissement.
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